Papa, mais j'ai 8 ans...

Je viens d’avoir huit ans, et je suis très aimée
Papa me dit souvent que je suis bien plus belle
Que les autres enfants et que je l’ensorcelle
Et papa m’aime aussi quand il est énervé.

Et souvent, je le crois

Je viens d’avoir huit ans, et j’ai beaucoup d’amis
Ils connaissent papa, mais parfois ils me disent
Qu’il ne faut pas crier, que les plaies cicatrisent
Que le droit des enfants, c’est de rester soumis.

Eux aussi, je les crois.

Il est des soirs de fête où papa me demande
De porter une robe, et un tablier blanc
De danser devant eux, de les aimer autant
Que je l’aime la nuit, quand il me dit « Sois grande ! »

Je n’ai pas d’autre choix.

Et souvent il m’attrape et m’embrasse en silence
Puis me dit « Nos baisers doivent rester secrets »
Mais moi je n’aime pas quand il se fait discret
Et que sa main me brûle, et qu’il en a conscience

Il n’entend pas ma voix.

Ce soir comme souvent, ils étaient bien nombreux
Ce soir comme souvent, ils n’ont pas vu mes larmes
Ils ont souillé mon corps mais je fermais les yeux
Et personne n’a vu que je cachais une arme

C’est la dernière fois.

Le ciel était éteint et papa s’endormait
J’ai posé sur son front un baiser de tendresse.
Et puis j’ai appuyé et la balle sifflait
Console toi maman, j’ai gommé ta promesse.

Vous serez mieux, sans moi.